Contexte
La République démocratique du Congo (RDC) évolue dans un environnement économique caractérisé par une tension structurelle entre un fort potentiel naturel et des indicateurs de bien-être social peu reluisants. Bien que le pays dispose d’immenses ressources minières stratégiques telles que le cuivre, le cobalt, l’or ou encore le coltan, son économie demeure largement tributaire des exportations de matières premières, exposée ainsi aux fluctuations des marchés internationaux.
À cette vulnérabilité structurelle s’ajoute une dynamique critique sur le marché des changes. Le franc congolais connaît depuis plusieurs mois de fortes fluctuations face au dollar américain, alimentant un climat d’incertitude économique. Alors qu’à la fin du mois d’août 2025 le cours indicatif officiel se situait autour de 2 800 CDF pour 1 USD, celui-ci est tombé à approximativement 2 400 CDF pour 1 USD au début du mois d’octobre 2025. Cette évolution témoigne de la volatilité monétaire à laquelle le pays reste exposé. Elle s’explique en partie par les interventions répétées de la Banque centrale du Congo (BCC), qui mobilise ses réserves en devises étrangères afin de contenir la pression sur le taux de change et d’éviter une spirale inflationniste plus marquée.
C’est dans ce climat économique tendu qu’ont émergé des rumeurs concernant un prétendu classement mondial des pays extrêmement pauvres. Un graphique circulant sur les réseaux sociaux affirmait représenter ce classement, attribué à la Banque mondiale et publié le mercredi 8 octobre dernier. Selon cette image, la RDC y figure à la première place, avec “85,3 % de la population vivant avec une consommation située en dessous de 3 $ le jour”. Cette publication a été relayée massivement sur plusieurs plateformes, notamment Facebook, X (anciennement Twitter) et TikTok, où elle a suscité de nombreux commentaires alarmistes. Des blogs et certains médias locaux ont également contribué à la diffusion de cette rumeur, en reprenant l’image du graphique sans en vérifier l’authenticité ni la source, amplifiant ainsi la désinformation auprès du grand public.
La rumeur ayant provoqué de nombreuses réactions controversées, Eleza Fact a entrepris de vérifier l’information en contactant plusieurs sources officielles. Nous avons échangé avec le département des données du siège de la Banque mondiale, la cellule de communication de la Banque mondiale en RDC, et avons consulté les plus récentes publications relatives à la pauvreté mondiale, émanant d’organisations reconnues comme le Fonds Monétaire International (FMI), Care International et la Banque mondiale elle-même. Ces démarches ont permis d’établir que les chiffres mentionnés dans la rumeur sont obsolètes : ils proviennent de données publiées en 2020 et ne reflètent pas la situation actuelle. Les organismes consultés ont confirmé qu’aucun nouveau classement de ce type n’a été publié début octobre 2025, contredisant ainsi les affirmations diffusées sur les réseaux sociaux.
Information partagée
La rumeur trouve son origine dans un article publié par Visual Capitalist (archivé ici) le 08 octobre 2025. Intitulé « Là où les taux d'extrême pauvreté sont les plus élevés au monde », cet article, rédigé par Dorothy Neufeld, propose une analyse détaillée des niveaux de pauvreté extrême à travers le globe. Il inclut un graphique qui classe 30 pays selon leur taux d’extrême pauvreté, mesuré par le seuil international de 3 dollars par jour (selon les données ajustées de 2021). La République démocratique du Congo (RDC) se trouve en tête de liste avec un taux alarmant de 85,3 %, tandis que le Bangladesh clôture le classement avec 8,0 %.
Visual Capitalist est une plateforme de référence spécialisée dans la visualisation de données économiques, financières et sociétales. Fondé avec pour mission de rendre l’information complexe, accessible et engageante, le site publie des infographies, cartes et analyses visuelles qui traduisent les grandes tendances mondiales en contenus clairs et percutants. Ses publications couvrent des thématiques variées, marchés financiers, innovation, énergie, géopolitique ou encore développement durable, et s’appuient sur des données issues de sources fiables et reconnues.
Selon l’article, ces chiffres sont issus d’une analyse de la Banque mondiale, compilée et publiée sur la plateforme Our World In Data, qui fournit des données actualisées sur les indicateurs socio-économiques mondiaux. « La République démocratique du Congo (RDC) produit environ les trois quarts du cobalt mondial et fait également partie des nations les plus peuplées d'Afrique. Pourtant, malgré cette immense richesse minière, le pays affiche le taux d'extrême pauvreté le plus élevé au monde. La faiblesse de la gouvernance, les conflits armés et les violations des droits humains commises par des multinationales contribuent à l'enracinement de la pauvreté dans le pays depuis des décennies », explique l’article. L’article souligne par ailleurs que les infrastructures défaillantes et l’insécurité chronique entravent tout effort de développement économique durable.
Le graphique de l’article de Visual Capitalist a été largement relayé sur les réseaux sociaux, notamment via une publication Facebook de Rodriguez Katsuva datée du 09 octobre 2025. Dans la légende accompagnant cette publication, Katsuva corrobore les données de l’article et apporte un commentaire sur la situation socio-économique en RDC : « Enseignants, policiers, soldats et fonctionnaires de l'état font partie des plus pauvres. Car ils vivent avec moins de 3$ par jour. Paradoxalement, le Président, les députés, les ministres et sénateurs sont les mieux payés au monde. Le député a, par exemple, quatre fois le salaire d'Emmanuel Macron ! Mais les gens de l'UDPS vont vous dire que dénoncer ça, c'est devenir ennemi de la République. Pour ceux qui mangent l'argent de ce pays, être patriote, c'est accepter cette situation et chanter Fatshi Béton ». Cette publication, qui dénonce l’injustice sociale et la mauvaise gestion des richesses, a suscité un vif engouement, enregistrant plus de 300 réactions et plus de 10 partages sur Facebook au 10 octobre 2025 à 12h00, heure de Goma, reflétant l’indignation généralisée parmi les internautes congolais.
La diffusion de ces informations ne s’est pas limitée à Facebook. Sur la plateforme X, plusieurs utilisateurs, dont Mugenzi Felix, Patient SAYIBA, Gustave Alfred et Yves Buya, ont repris les données de l’article le 09 octobre 2025. Ces utilisateurs ont mis en lumière les disparités économiques et les défis de gouvernance, alimentant ainsi une prise de conscience collective sur la plateforme.
Par ailleurs, la Radio Okapi, média de référence en RDC, a abordé cette question dans son journal radiophonique en français du 09 octobre 2025. Confirmant les conclusions de l’article de Visual Capitalist, elle a déclaré : « Entre temps la Rdc se fait mal classer dans un rapport de la Banque mondiale. Le pays de Lumumba occupe la première place mondiale en matière de pauvreté extrême, selon un rapport de la Banque mondiale publié hier mercredi. Et selon ce rapport de la banque mondial, 85,3 % des Congolais vivent avec moins de 3 dollars par jour ». Cette couverture médiatique a renforcé la crédibilité des données, en les ancrant dans un contexte local et en soulignant leur pertinence pour le public congolais.
La viralité de cette information s’est également manifestée sur X à travers une vidéo du journal de Radio Okapi, publiée le 11 octobre 2025 par Justin Kabumba, un journaliste basé en RDC. Dans la légende de son post, Kabumba reprend les propos de Radio Okapi, insistant sur le classement de la RDC comme le pays le plus touché par la pauvreté extrême.
Au 17 octobre 2025, ce post a cumulé plus de 23 000 vues, plus de 200 mentions « j’aime », ainsi que plus de 80 reposts et citations, signe de l’ampleur de l’écho suscité par cette information. La vidéo a servi de catalyseur pour des discussions en ligne, où les internautes ont exprimé leur frustration face à la situation économique du pays.
Enfin, les commentaires sous la publication de Justin Kabumba sur X reflètent un fort consensus autour de la véracité des données. Un internaute, par exemple, a indiqué : « Il faut comprendre comment le monde fonctionne. Cette étude qui peut sembler alarmante est en réalité un indicateur pour attirer des financements pour les ONG. C’est un coup de com pour une campagne de fund raising afin de sensibiliser les donateurs à continuer pour leur budget 2026. Quand le budget sera disponible, plus de 60% ira au fonctionnement du personnel mais jamais pour résoudre le problème. C’est donc un prétexte pour justifier une présence, un emploi et des salaires. Ce que la RDC doit faire, c’est s’approprier ce genre de rapport pour améliorer son intervention, contrôler l’efficacité et donner son avis. On ne peut publier une telle information puis venir faire semblant de vouloir améliorer les choses sans que l’impact soit palpable et durable ». Les discussions en ligne mettent également en évidence un sentiment de méfiance envers les élites politiques, accusées de détourner les richesses nationales au détriment de la population.

Graphique publié par Visual Capitalist, téléchargé par Eleza Fact
Enquêtes auprès des institutions reconnues
ELeza Fact a commencé son enquête en contactant Visual Capitalist par mail. Ces derniers ont confirmé avoir tiré ces données dans le rapport trouvé sur le site Our World In Data, comme mentionné dans l’article initial.
« The data presented in this article are sourced from Our World in Data, as referenced in the text. Additional data come from government entities (e.g., U.S. Census Bureau, FRED), intergovernmental organizations (e.g., IMF, World Bank), and reputable institutions such as think tanks, non-profits, and corporations recognized as thought leaders in their respective fields », traduit en français par :« Les données présentées dans cet article proviennent d'Our World in Data, comme mentionné dans le texte. D’autres sources incluent des organismes gouvernementaux (par exemple, le U.S. Census Bureau, FRED), des organisations intergouvernementales (telles que le FMI ou la Banque mondiale), ainsi que des institutions reconnues comme think tanks, organisations à but non lucratif et entreprises, considérées comme des références dans leurs domaines respectifs », a indiqué Visual Capitalist.
Pour confirmer l’authenticité de ces conclusions, Eleza Fact a pris contact avec Marinette Kegbia, chargée de communication à l’intérim de la Banque mondiale en RDC. Celle-ci a à son tour précisé que les données utilisées dans le rapport présenté sur les réseaux sociaux ne sont pas récentes, mais bien datées de 5 ans. Celle-ci a d’ailleurs partagé un lien menant vers le même rapport publié en 2020.
« Merci encore pour votre message et pour votre intérêt pour les données de la Banque mondiale. Pour répondre de façon plus précise à votre demande, les chiffres de 85,3 % datent de 2020 et ils sont disponibles dans le rapport MPO Macro Poverty Outlook for Sub-Saharan Africa. Il est important de noter que ces chiffres ne datent pas du mois d’octobre 2025 », a-t-elle indiqué, avant d’ajouter : « Pour des données actualisées sur la pauvreté en République démocratique du Congo, je vous recommande vivement de contacter l’Institut National de Statistique. Ils possèdent les données officielles les plus récentes et pourront vous fournir les informations les plus précises à ce sujet ».
Ensuite, nous avons pris contact directement avec le département de données de la banque Mondiale, qui, par le biais de la spécialiste Chandrika, nous a fait part de certaines données sur le revenu des populations au monde publiées dans un rapport de la Banque Mondiale en juillet dernier, et a ensuite partagé le lien vers le rapport en question, précisant que nous y trouverons des données sur la RDC, accompagné d’autres ressources pouvant permettre de donner des éclaircissements sur les rapports publiés par la Banque Mondiale en 2025. Ces rapports vont être développés dans les paragraphes suivants.
« Please see the Blog from July 1, 2025, on Income Classification of countries at : . “Understanding country income: World Bank Group income classifications”. You can find income classification of DRC on the map. You may also find useful these resources on our income classification of countries here, here, here and here », traduit en français par : « Veuillez consulter le Blog du 1er juillet 2025 sur la classification des pays par revenu, intitulé : « Comprendre le revenu des pays : les classifications de revenu du Groupe de la Banque mondiale ». Vous pouvez trouver la classification de la RDC sur la carte. Vous trouverez peut-être également utiles ces ressources sur notre classification des pays par revenu, disponibles ici, ici, ici et ici », a indiqué Chandrika.
Par ailleurs, nous avons pris contact avec l’Institut National de la Statistique de la RDC (INS). Par l’intermédiaire de l’expert en statistique Aimé Dionzo, l’institution nous a communiqué les dernières données publiées, tout en précisant que les résultats des récentes enquêtes sur la pauvreté en RDC seront disponibles en ligne dans les prochains jours. « Trouvez dans ces documents les dernières données publiées par l’INS. Une enquête sur la pauvreté effectuée en 2024 sur l'étendue nationale rendra dans les prochains jours ses conclusions », précise Aimé Dionzo à Eleza Fact.
Analyse des données disponibles sur le site de la Banque Mondiale
Nous avons mené des recherches en consultant les données publiées sur les sites web officiels de la Banque mondiale et le rapport utilisé dans l’article publié par Visual Capitalist. Visual Capitalist a présenté sa source de données comme étant le rapport publié sur le site Our World in Data. En consultant cet article, nous avons remarqué que les données sur la pauvreté mondiale présentées dans ce rapport sont traitées avec des méthodologies rigoureuses qui ajustent pour les prix relatifs entre pays, les évolutions dans le temps et les définitions nationales de pauvreté, plutôt que de présenter des classements simplistes.
Les données (archivées ici) disponibles sur la pauvreté mondiale, notamment sur la plateforme Our World in Data, s’appuient sur la base « Poverty and Inequality Platform » de la Banque mondiale et ne classent pas les pays selon un ordre de pauvreté. Ces données visent à mesurer la proportion de population vivant sous des seuils de pauvreté définis (par exemple 2,15 $ ou 3,65 $ par jour, en parité de pouvoir d’achat), sans établir de palmarès. La RDC y figure avec des estimations actualisées issues de 2020, mais aucun indicateur récent ne confirme qu’elle serait « la plus pauvre du monde ». Le site ne présente aucun classement crédible plaçant la RDC comme première au monde dans cette catégorie, mais les chiffres présentés sur la RDC sont issus de données recueillies en 2020 et non en 2025. L’article de Visual Capitalist repose sur une interprétation erronée de données anciennes et ne correspond à aucune publication officielle récente.

Graphique publié sur l’extrême pauvreté en 2024, publié sur le site Our World In Data, mentionnant que les données sur la RDC date de 2020, capture faite par Eleza Fact
De même manière, le profil de la RDC présent sur le site officiel de la Banque mondiale (archivé ici) indique que plus de 85 % de la population vit avec moins de 3 dollars par jour, selon les dernières données disponibles, datant de 2020, qui n’ont rien à voir avec les données actuelles. Le pays affiche également une espérance de vie moyenne d’environ 62 ans et une population dépassant les 109 millions d’habitants, ce qui illustre la pression croissante sur les infrastructures sociales et les services publics. Toutefois, la Banque mondiale ne présente aucun classement mondial des pays les plus pauvres : elle publie des profils économiques et sociaux nationaux à titre d’information statistique. Ainsi, les données officielles confirment une situation socio-économique préoccupante, mais elles ne corroborent pas les rumeurs affirmant que la RDC occuperait la première place mondiale parmi les pays dits « extrêmement pauvres », d’autant plus que les données sont anciennes de plus de cinq ans.

Idicateurs publiés sur le site PIP de la Banque Mondiale, mentionnant que le 85,3% sont pris des données sur la RDC datant de 2020, capture faite par Eleza Fact

Autres ndicateurs publiés sur le site PIP de la Banque Mondiale, capturés par Eleza Fact
Eleza Fact a ensuite contacté AL KITENGE, économiste et stratège économique en RDC, reconnu pour ses analyses sur la lutte contre la corruption et la restructuration économique, afin d’obtenir son avis sur l’utilisation actuelle de ces données sur la pauvreté en RDC, l’évolution de la situation dans le pays et les précautions à prendre lorsqu’on les utilise. Selon lui, l’usage de ces statistiques nécessite de grandes réserves. Il souligne d’abord l’importance de connaître la couverture géographique réelle de chaque étude pour en juger la pertinence, tout en regrettant que la RDC ne produise pas elle-même ses enquêtes, ce qui, selon lui, « laisse le pays à la merci des statistiques fantaisistes ». AL KITENGE note par ailleurs que la situation de la pauvreté s’est fortement aggravée depuis 2020, notamment dans l’est du pays, où le niveau de précarité est « inhumain » en raison de la catastrophe humanitaire en cours. Enfin, pour éviter toute décontextualisation, il recommande de prendre « toutes les réserves possibles » lorsqu’on cite ces chiffres, en insistant sur l’asymétrie entre zones rurales et urbaines ainsi que sur les disparités entre les différentes entités géographiques du pays.
En consultant le rapport reçu de la part de Chandrika (archivé ici), publié le 1ᵉʳ juillet dernier dans le blog officiel de la Banque mondiale intitulé “Understanding country income: World Bank Group income classifications”, nous remarquons qu’il s’agit d’une classification économique basée sur le revenu national brut (RNB) par habitant. Cette classification divise les pays en quatre groupes : faible revenu, revenu intermédiaire inférieur, revenu intermédiaire supérieur et revenu élevé. Elle a pour objectif d’offrir un cadre analytique pour comparer les niveaux de revenu entre pays et orienter les politiques économiques, non de hiérarchiser la pauvreté ou de désigner un pays comme « le plus pauvre du monde ».
L’article précise que cette catégorisation repose sur des données économiques agrégées, calculées à partir du RNB par habitant converti en dollars américains selon la méthode dite de l’Atlas. Ces chiffres sont actualisés chaque année pour tenir compte de l’inflation mondiale et des variations de taux de change, mais ils ne sont jamais présentés comme un palmarès ou un classement de pauvreté. Ainsi, nous y trouvons une cartographie catégorisant les pays du monde d’après les couleurs indiquant les différents groupes de classification. La RDC est classée dans la catégorie “Faible revenu” identifiée par la couleur bleue.

Cartographie catégorisant les pays du monde selon les 4 groupes de niveau de revenu, capturée par Eleza Fact
Le blog mentionne en revanche que des changements de catégories peuvent intervenir d’une année à l’autre, lorsque des États franchissent les seuils de revenu définis. Par exemple, certains pays comme le Costa Rica ou Cap Vert ont récemment accédé à une catégorie supérieure, tandis que d’autres, tels que la Namibie, ont été reclassés dans un groupe inférieur en raison de ralentissements économiques. Ces exemples illustrent que les mouvements de classement concernent uniquement la catégorie de revenu, et non un rang mondial dans une échelle de pauvreté, ce qui confirme que la lecture virale du faux graphique diffusé en ligne repose sur une mauvaise interprétation du système de classification.
Des données récentes paratgées par l’INS
Le rapport 2023–2024 de l’Institut national de la statistique (INS), issu de l’Enquête Démographique et de Santé (EDS-RDC) partagé par Aimé Dionzo à Eleza Fact, met en évidence des évolutions significatives des conditions de vie en République démocratique du Congo. Les données recueillies montrent une amélioration dans plusieurs domaines : hausse du taux de scolarisation, progression de l’accès à l’eau potable et à l’électricité, ainsi qu’une meilleure qualité de l’habitat dans plusieurs provinces. Ces résultats témoignent d’une dynamique socioéconomique positive que les estimations de 2020 — souvent citées pour affirmer que « 85,3 % des Congolais vivent avec moins de 3 USD par jour » — ne reflètent plus. En d’autres termes, les indicateurs actualisés de 2023–2024 infirment les affirmations reposant sur des données anciennes et partielles.
Selon ce rapport, ces nouvelles statistiques reposent sur un échantillon national représentatif incluant des zones auparavant peu documentées en raison de contraintes sécuritaires. Contrairement aux évaluations internationales fondées principalement sur les revenus, l’EDS-RDC privilégie une approche multidimensionnelle de la pauvreté : accès aux services sociaux de base, logement, emploi, éducation et sécurité alimentaire. Cette méthodologie offre une mesure plus fidèle des réalités locales que les estimations globales de la Banque mondiale, souvent calculées à partir de projections macroéconomiques ou de données antérieures. De ce fait, les anciennes statistiques internationales ne peuvent être considérées comme une photographie fiable de la situation économique actuelle en RDC.
Les données, collectées auprès de dizaines de milliers de ménages, confirment que l'accès aux services de base demeure extrêmement limité : 43 % de la population dispose d'une source d'eau potable, seulement 15 % a accès à un service élémentaire d'assainissement, et l'accès à l'électricité ne touche que 4 % des ménages en milieu rural. L'étude met en évidence des taux alarmants qui témoignent de conditions de vie précaires : 45 % des enfants de moins de cinq ans souffrent d'un retard de croissance chronique, et 70 % sont anémiques. Malgré des progrès, la mortalité maternelle reste très élevée (746 décès pour 100 000 naissances vivantes). Ces données, si elles sont des marqueurs d'une situation sociale grave, contrastent avec une certaine dynamique positive, notamment la baisse du taux de fécondité (5,5 enfants par femme, contre 6,6 en 2013-2014) et l'augmentation des accouchements en établissement de santé (83 %). L'étude de l'INS établit ainsi un diagnostic de la crise sociale, mais elle n'inclut aucune donnée de revenu ou de consommation par habitant permettant de corroborer ou d'infirmer le seuil de 3 USD par jour mentionné dans la rumeur.
Ce rapport de l’INS rappelle enfin que la pauvreté ne peut se résumer à un seuil monétaire universel. Les enquêtes nationales s’appuient sur la consommation réelle des ménages et sur les prix locaux, alors que les institutions internationales utilisent des estimations en parité de pouvoir d’achat (PPA). Cette divergence méthodologique tend à surestimer la pauvreté dans les pays où les structures de consommation sont majoritairement non monétaires. Ainsi, les données de l’EDS-RDC 2023–2024 offrent une lecture plus nuancée et contextualisée de la situation : si la pauvreté demeure un défi majeur, les chiffres relayés sur les réseaux sociaux — et basés sur des estimations de 2020 — ne reflètent plus fidèlement la réalité socioéconomique actuelle du pays.
Le classement actuel sur la pauvreté au monde et en RDC
Les données économiques disponibles dans l’onglet The World Bank In DRC, arrêtées au 1ᵉʳ octobre 2025, indiquent que, bien que la RDC fasse face à un taux de pauvreté très élevé (estimé à 72,9 %), son économie a enregistré une croissance de 6,5 % en 2024, principalement grâce au secteur extractif, avec des projections de croissance à 5,1 % pour 2025. Ces chiffres reflètent un pays en développement qui lutte contre des défis structurels majeurs et une crise humanitaire persistante, mais ils ne corroborent en aucun cas l'allégation spécifique selon laquelle il aurait été classé premièr sur une prétendue liste d'extrême pauvreté en ce mois d'octobre.
En plus, en se basant sur le classement des « 10 pays les plus pauvres du monde en 2025 » publié par l'ONG CARE France (archivé ici) le 19 mai dernier (en utilisant les estimations du PIB par habitant en Parité de Pouvoir d'Achat du FMI), la RDC figure à la 7e position avec un PIB par habitant de 1,884 $. La tête de ce classement est occupée par le Soudan du Sud, avec un PIB par habitant de 716 $. Bien que le pays soit aux prises avec un taux de pauvreté très élevé et une crise humanitaire complexe exacerbée par des conflits armés dans l'est, ces données de référence, disponibles, démentent formellement la rumeur affirmant que la RDC serait désignée comme la nation la plus pauvre du monde à cette période.
Selon le Fonds Monétaire International (FMI), le contexte économique de la RDC (archivé ici) est caractérisé par une croissance robuste qui devrait atteindre 5,3 % en 2025 (après 6,0 % en 2024), principalement soutenue par la production minière résiliente, avec une décélération de l'inflation projetée à 8,8 % en 2025, ce qui est contraire à l'image d'un effondrement économique. Bien que le pays fasse face à des risques importants liés à l'intensification des conflits dans l'Est et aux chocs mondiaux, les rapports officiels du FMI de début et mi-2025 confirment un environnement macroéconomique "globalement stable" et un renforcement de la position extérieure.
Par ailleurs, Données Mondiales a aussi publié en juillet dernier des données (archivé ici) qui reposent principalement sur les chiffres de 2024 et ont été mises à jour en juillet 2025, placent la RDC en 6ᵉ position sur la liste mondiale, avec un RNB ajusté de 1 690 $ par habitant, tandis que le Burundi occupe actuellement la première place. L'affirmation selon laquelle la RDC serait sortie première de ce classement en octobre 2025 est donc fausse et repose sur une interprétation erronée des données disponibles sur les sites officiels de la Banque Mondiale.
Conclusion
L'affirmation selon laquelle la République Démocratique du Congo (RDC) a été classée 1e pays le plus extrêmement pauvre au monde par la Banque mondiale en octobre 2025 est incorrecte et repose sur des données mal interprétées.
Les vérifications menées auprès des départements de la Banque mondiale et l'analyse de ses publications officielles (incluant Our World in Data et les rapports de classification des revenus) démontrent qu'aucun classement mondial de la pauvreté n'a été publié début octobre 2025. La rumeur provient d'un graphique diffusé par Visual Capitalist qui, bien que citant la Banque mondiale, a utilisé et mal interprété des données obsolètes datant de 2020 (85,3 % de la population vivant avec moins de 3 $ par jour) pour établir un palmarès non officiel en 2025. Les données économiques les plus récentes (arrêtées au 1er octobre 2025) confirment que la RDC reste un pays à Faible Revenu et lutte contre une pauvreté massive, mais les classements de référence (FMI, CARE, Données Mondiales) la positionnent en 7e ou 6e position mondiale, et non en première.
Toujours s’assurer de détenir des sources sûres avant de publier une information est important, car dans le cas de cette rumeur, elle peut aggraver le désespoir social et miner la confiance publique déjà fragile à cause de la crise sécuritaire et de forte instabilité monétaire (appréciation du franc congolais).
